Eels, Grand Mix - Tourcoing, le 11 octobre 2005
Eels, c'est d'abord la voix rocailleuse du chanteur, "E."
(le diminutif extrême de Mark Oliver Everett). Une voix probablement cassée par le
tabac, le cigare en l'occurence, digne des vieux chanteurs réclamant
leurs pichets de rouge dès 8h du matin. Or E. n'est pas si vieux que
ça, il a 42 ans.
La scène est couverte d'un
rideau blanc, et quand les lumières s'éteignent, celui-ci ne tombe pas,
car un mini film d'animation est projeté pendant 15 à 20 minutes. Après
la bonne suprise du départ, le public se
désinteresse rapidement de l'histoire du crocodile et de la petite souris qui se
sont fait voler leurs billets dans le train par une vieille lady, et
qui sont contraints à sortir à l'arrêt suivant, sur ordre du
contrôleur. Détail qui a son importance: le dessin animé est diffusé en
russe, sous titré anglais. Cela n'étonne donc personne que le
personnage principal s'appelle Chaburaska.
Chaburaska et son compagnon,
après avoir marché le long de la voie de chemin de fer, tombent dans
des pièges posés par des campeurs. Puis ils croisent une famille se
baignant dans une rivière polluée
par une usine. Le crocodile demande l'arrêt de cette pollution au
directeur de l'usine, chose qu'il n'execute pas, on pouvait s'en
douter. Il y a aussi le quiproquo sur la boite qui contient du TNT, ou
des gateaux (parce qu'il y a deux boites en fin de compte!). Tout cela
est si
passionnant que j'irai directement à la fin de l'histoire, à savoir que
la vieille dame rend les billets aux deux gentils animaux, et le
crocodile lui en rend un, car la souris est petite et qu'il ne veut
pas laisser la lady sans ticket (une explication comme une autre). Les lumières
se rallument. Une bien belle entrée en matière.
Quelques
minutes
plus tard, le noir retombe, le rideau reste en place, et on assiste à
une deuxième projection, sous les sifflets du public. Heureusement, il
s'agit d'un film promotionnel sur Eels, période rock, avec des extraits
d'interview déjantées (E. fait une interview en prenant son petit déjeuner, on lui demande son avis sur tel ou tel
groupe, et il recrache le morceau en signe de réponse) et divers
extraits de concerts. Puis un spot sur la sortie de l'album "Beautiful
Freak" de 1996, sponsorisé par Fun Radio - l'époque où ils passaient du
rock, avant le pathétique "Goove & Fun". D'ailleurs Fun
Radio s'est fait siffler, c'est bien fait. A la fin du film, une autre
pause, alors que les lumières se sont rallumées. Ca devient franchement
long.
La
troisième fois où l'on est plongés dans le noir est la bonne, et quand le
rideau tombe enfin, les musiciens sont déjà présents: quatres filles
jouant du violon ou du violoncelle, un guitariste également batteur et joueur de scie
musicale, et un pianiste-contrebassiste. Arrive enfin E., en
costume, chapeau et lunettes noires, avec une canne. Sa barbe est
épaisse, tant est si bien qu'avec le chapeau et ses lunettes, on peut
difficilement distinguer les expressions de son visage, même en étant
contre les barrières. C'est un concert quasi accoustic, et E. ne manque
pas d'humour. Il demande aux musiciens de sortir de scène, afin d'être
seul pendant "2 minutes et 13 secondes"
avec le public, avec pour seul
instrument une guitare de petite taille. Il nous demande si l'on veut
du rock. Le public crie pour approuver, mais avec une simple guitare, ça risque d'être plutôt difficile.
Et E. s'empresse de nous tourner en ridicule: "come on, ladies and gentlemen, come on...". A la fin de la chanson suivante, il en rajoute encore une couche: "Woo, so much rock!". De même, quand quelqu'un crie du fond de la salle, il l'imite en tirant
la langue et fait mine d'appeler la sécurité, ce qui rend tout le monde
hilare. Il remarque que le groupe a déja joué plusieurs fois
dans cette zone (Bruxelles, Paris), et nous confie que quand il demande
à
jouer ici, on lui refuse. "I insisted this time !". Et il a bien fait d'insister, le concert est complet.
J'ai assisté au concert avec le désavantage de ne pas avoir écouté le dernier album Blinking Lights And Other Revelations,
ce qui m'empêche, de fait, d'apprécier toutes les chansons à leur juste
valeur. Les chansons que je connais sont magnifiquement interprétées,
quoique aux moments où dans la version album il chante d'une voix douce
et aigüe, en live il chante plus fort pour atteindre ces notes. Je
chipotte peut être, mais ça m'a perturbé sur le moment, notamment sur "Jeannie's Diary".
Puis vient le moment du n'importe quoi: tous les musiciens émettent des
sons, sans aucune harmonie, tandis qu'une violoncelliste s'empare d'un
vibromasseur sorti de nulle part, le met en marche et l'approche du
micro (ça fait "bzzzz" puis ça sature). Au bout d'un moment les
premiers sifflets se font entendre, et dès cet instant "Novocaine For The Soul" démarre. E. et sa bande voulaient peut-être tester notre patience. Le calme des chansons finit par nous bercer, et "I Like Birds" tombe à pic pour nous remuer. Tout de suite après vient "It's A Motherfucker"
qui est pour moi le meilleur moment du concert. Des paroles déprimantes
(un homme qui vient de se faire larguer par sa copine), le piano, les
violons en toile de fond, cette chanson sera finalement la seule qui
m'aura procuré des frissons.
Ce que je regrette le plus doit être le choix des chansons. Comment
expliquer le fait de jouer "Packing Blankets" et pas "Your Lucky Day In
Hell" ? Et de préférer "I like Birds" à "Love Of The Loveless" ?
A
la fin du concert, les roadies ont aussi contribué à la déception, en
chiffonant les playlists et en les jetant en coulisse, tandis que les
médiators étaient soigneusement rangés, et non distribués aux premiers
rangs, comme l'impose la coutume. Le public ne voulant toujours pas
partir après les 3 rappels et le retour des lumières, un roady prit le
micro et nous a très gentiment avisé que "The Eels have left the building".
Voyant après quelques minutes que personne ne bougeait, ils ont
finalement demandé à la sécurité de faire reculer les gens vers le fond
de la salle.
Rideau.
Un avant-goût: Eels - Jeannie's Diary (bouton droit, enregistrer la cible sous...)
[photos: susie - site officiel: eelstheband.com]